Mai 2012

Mai 2012

« Je ne suis pas la branche vestimentaire d'A - 16989361.jpg


Un commerçant menacé parce qu’il fait la promotion de vêtements musulmans à Porto-Vecchio
 

A la suite de l'ouverture, avec son épouse, d'une boutique à l'enseigne Sultana, à l'espace U Centru, El Khyati Triki, le frère de l'ancien footballeur du Sporting Ismaël Triki, a reçu une lettre de menace, infamante et inquiétante, provenant d'un groupe qui se fait appeler « Comité de la majorité silencieuse corse ».

Dans cette missive, il est accusé de promouvoir la mode vestimentaire musulmane, d'exercer ainsi une pression supplémentaire sur les jeunes femmes, d'être un intégriste et de mépriser la population« de notre pays ».

On lui intime donc l'ordre de fermer boutique et d'observer un comportement neutre. Bien évidemment, ce commerçant bien connu dans la région n'entend pas céder à la pression et a décidé de réagir en rendant l'affaire publique. Il a déjà reçu le soutien de nombreuses personnes dont Jean-Christophe Angelini, César Filippi, Jean-Guy Talamoni, Battì Canonici, Charles Pieri, Michel Giraschi et Jean-Paul Luciani de Frequenza Mora qui prépare une émission spéciale pour dimanche prochain.

Dans cette lettre anonyme, il est écrit que votre initiative dépasse la tolérance que les Corses vous ont accordée. Comment réagissez-vous ?

Il faut que les auteurs de cette menace sachent que ce terme est inadapté concernant ma relation avec la Corse et les Corses. En effet, je ne suis pas toléré sur cette terre, mais accepté, respecté, aimé et soutenu par des êtres qui sont devenus, pour la plupart, des amis fidèles, pour certains une famille. Je compte parmi eux de nombreux et fervents défenseurs de la culture corse. Ils m'ont appris que l'on pouvait à la fois défendre avec fierté sa propre identité et être ouvert à l'autre. Leur engagement ne souffre d'aucune confusion. Ils rejettent avec force toute forme de racisme ou de xénophobie dans lesquelles quelques énergumènes de cette espèce tentent de les enfermer. Ces personnes me font l'honneur de me compter parmi le peuple corse, ce peuple composé de Corses d'origine mais également de Corses d'adoption.

On vous accuse aussi de promouvoir la mode vestimentaire musulmane et d'exercer ainsi une pression supplémentaire sur les jeunes femmes…

Voilà plus de 40 ans que je vis et travaille sur cette terre qui a vu naître mes enfants. Ils disent défendre le droit des femmes, mais qu'ils apprennent aussi celui de l'être humain qui est de vivre dans le respect et l'équité, et ce, quelles que soient sa culture ou sa religion. J'ai été élevé avec ces valeurs que nous transmettons, mon épouse et moi, à nos enfants. Ces gens-là disent me connaître mais il n'en est rien. Ils sauraient alors que toutes les accusations portées à mon encontre sont si inappropriées qu'elles en deviennent grotesques. Je ne suis pas la branche vestimentaire d'Al-Qaïda ! On pourrait en rire si leur niveau de bassesse et de haine ne faisait pas pleurer. Aucun membre de ma famille n'est voilé, ni épouse (je n'en ai qu'une…), ni sœur, ni fille. Seules les menaces de ces gens-là sont voilées. Mais, pour inquiétantes qu'elles sont pour la dégradation morale de la société, elles n'effraient personne. Elles rabaissent les auteurs de cette lettre au niveau des corbeaux et délateurs de village qui systématiquement ont assombri l'histoire en dénonçant à l'occupant, aux puissants, des femmes et des hommes dont le seul tort était d'appartenir à une religion ou à une ethnie différente de la leur. En ce sens, s'ils sont Corses, ils sont de sombres pionniers en la matière.

Est-ce la première fois que vous êtes confronté à un tel racisme ?

Mon frère Ismaël, qui a porté si fièrement les couleurs de Bastia, répondait un jour à un journaliste sur le problème du racisme dans le sport. À la question de savoir s'il avait été victime d'insultes racistes lors de matches de football, il répondit : « Oui, en effet, j'ai été traité de sale Corse ! » S'il était nécessaire de démontrer la bêtise du racisme, cette réplique en est une éloquente illustration. Pour terminer, je voudrais m'adresser à mes accusateurs. Aussi « silencieuse » que soit votre « majorité », je vous invite à méditer sur ce proverbe arabe :« Si ce que tu as à dire n'est pas plus beau que le silence, alors tais-toi ! ».

http://www.corsematin.com/article/porto-vecchio/un-commercant-menace-parce-qu%E2%80%99il-fait-la-promotion-de-vetements-musulmans-a-po.656498.html